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Madame la Secrétaire d’Etat,

Nous prenons aujourd’hui la plume pour vous appeler à ne pas rater l’opportunité, la dernière qui vous est présentée, de mettre enfin la Belgique en conformité avec ses obligations internationales eu égard à l’impérieuse nécessité de mettre définitivement fin à la détention des enfants pour motifs migratoires.

Après des années de mobilisation soutenue par 325 organisations et près de 50.000 citoyen·ne·s nous n’avions jamais été aussi proches de voir aboutir un projet de loi interdisant enfin explicitement la détention d’enfants pour des raisons migratoires dans des centres fermés.

À notre plus grand regret, ce projet de loi, soumis à l’examen de l’assemblée plénière de la Chambre des représentants le 22 février dernier, fut renvoyé à l’examen du Conseil d’Etat suite au dépôt de nombreux amendements par l’opposition, pour ne citer qu’elle.

Permettez-nous, Madame la Secrétaire d’Etat, de vous faire un bref rappel des faits.

  • 2006 :  à la suite de l'affaire Tabitha, la Cour européenne des droits de l'homme condamne la Belgique. Pendant presque 10 ans, notre pays cesse d'enfermer des enfants et leur famille dans des centres de détention administrative (centres fermés). 
  • Été 2018 : le gouvernement belge approuve un nouvel arrêté royal qui lui permet de reprendre la pratique précédemment condamnée. Un nouveau centre de détention administrative est créé : une aile spéciale "pour les familles" est ajoutée au Centre 127bis, près de l'aéroport de Zaventem. La construction coûte presque 2 millions d'euros aux contribuables belges, sans compter les coûts de fonctionnement. En parallèle, les citoyen·ne·s se mobilisent : une campagne sans précédent voit le jour. La campagne "On n'enferme pas un enfant. Point."  est soutenue par 48 000 citoyen·ne·s et 325 associations. 
  • Avril 2019 : à la suite de cette mobilisation et l'action juridique de 15 associations, le Conseil d'État suspend l'arrêté royal permettant d'enfermer des familles en situation irrégulière avec leurs enfants. Dans les conditions existantes, il n'est donc plus possible d'enfermer des enfants pour des raisons de migration. À ce stade, la loi ne l'interdit toujours pas formellement. Cela reste un point de lutte pour les différentes organisations.
  • Septembre 2020 : le nouveau gouvernement Vivaldi inscrit dans son accord de gouvernement que "les mineurs ne peuvent pas être enfermés dans des centres fermés". 
  • 9 mars 2023 : le gouvernement Vivaldi parvient à un accord sur la migration stipulant qu'il est interdit de détenir un enfant dans un centre fermé et que cette provision sera inscrite dans la loi. 
  • 22 février 2024 : La Chambre renvoie le projet de loi au Conseil d’Etat.

Aujourd’hui plus que jamais, il dépend de vous de dissocier ce projet de loi de tout autre véhicule juridique pour garantir son adoption.

Aujourd’hui plus que jamais, vous pouvez prouver aux citoyen·ne·s d’aujourd’hui et de demain que les termes engagement, responsabilités et politique peuvent encore être conjugués au présent et garder tout leur sens.

Aujourd’hui plus que jamais, vous pouvez montrer à toutes et tous que les droits de l’enfant, et les droits humains de manière générale, sont encore une boussole dans la prise de décisions publiques.

Madame la Secrétaire d’Etat, la société civile vous regarde. À vous de décider d’honorer ou non vos engagements.

La Plateforme Mineurs en Exil[1]


[1] La Plate-forme Mineurs en exil est une plate-forme nationale bilingue, composée de 55 organisations membres et observateurs. Créée en 1999, elle vise à coordonner les actions des professionnel·le·s travaillant avec les mineurs étrangers non accompagnés (MENA) et les mineurs accompagnés de leurs parents mais en séjour précaire ou irrégulier. La Plateforme est née comme un projet communautaire du Service Droit des Jeunes, suite au constat que la réalité juridique, sociale et administrative ne permettait pas à ces mineurs de jouir pleinement de leurs droits fondamentaux : Mineurs en exil - A propos